En dépit d’une
équipe, plus ou moins importante, qui l’entoure, le chef de projet se sent en
effet souvent seul. Seul, face aux difficultés rencontrées, face aux questions
qui lui sont posées, face aux problèmes imprévus, face aux décisions à prendre,
face aux engagements à honorer. Seul, lorsqu’on lui demande d’estimer « pour
hier » le coût d’un projet sur la base d’un e-mail de quelques lignes ; seul,
lorsqu’il demande une ou deux ressources supplémentaires mais qu’« aucune n’est
disponible » ou lorsqu’on affecte sans délai l’un de ses collaborateurs sur un
autre projet « plus urgent » ; seul, lorsque certains membres de son équipe ont
besoin de monter en compétence sur une nouvelle technologie mais qu’« il n’y a
plus de budget formation disponible avant l’année prochaine » ; seul, lorsqu’on
n’a plus le temps de tester et qu’il faut livrer dans l’urgence ; seul, face au
client qui s’impatiente, auprès duquel il doit justifier le retard, tout en
préservant sa solidarité avec l’équipe ; seul, face aux contrôleurs de gestion
qui le pressent de « faire remonter » son reporting mensuel alors que lui-même
n’arrive pas à obtenir de son équipe les indicateurs de temps passé…
Quels étranges
sentiments de stress, de solitude et d’échec, parfois, alors que le chef de projet
a précisément un rôle de coordinateur et d’interface entre des acteurs aussi
multiples que son équipe, le client, sa hiérarchie, les fournisseurs… Ces
sentiments sans doute sont-ils aiguisés par le fait qu’il hésitera à partager
ses préoccupations. Avec ses collaborateurs? Avec ses pairs ou sa hiérarchie ?
Pour être soupçonné d’incompétence ? Il aura souvent tendance à centraliser la
résolution des problèmes en souterrain et à n’alerter que tardivement sa
direction. Alors que le simple fait de communiquer, interroger, tirer profit
des idées du groupe lui permet d’avoir un regard et une analyse
complémentaires.
Deux exemples
pour illustrer cette nécessaire concertation et cette approche collective des difficultés
: l’estimation des charges et des coûts du projet et la gestion des risques.
Comment un chef de projet, aussi compétent et expérimenté soit-il, pourrait,
seul, recenser l’exhaustivité des tâches à réaliser et calculer la durée du
projet ? Comment pourrait-il, seul, bénéficier d’une vision suffisamment large
pour anticiper tous les risques d’un projet ? Aussi brillant soit-il, son analyse
ne peut être que parcellaire. D’une part, nous verrons, dans le chapitre 4, «
Planifier son projet », qu’une démarche collaborative et la recherche du
consensus fiabilisent l’estimation globale et confortent le chef de projet. D’autre
part, la gestion des risques sera abordée au chapitre 5, « Suivre et piloter
son projet », et présentée, là encore, avec une vision et une approche
collectives, rendant l’analyse plus exhaustive.
Nouer des
alliances, tisser des relations au sein et en dehors du groupe doivent faire partie
de la stratégie du chef de projet lequel est tenu :
• d’identifier,
dès le démarrage du projet, les bons acteurs ; il s’appuiera sur les personnes
plutôt prédisposées au changement, dotées d’une forte capacité d’influence pour
convaincre les plus réticents à coopérer ;
• d’« aller au
contact » des utilisateurs pour mieux les comprendre, pour se faire comprendre,
pour jouer la carte de la transparence et « humaniser » le monde informatique;
• d’associer
ses collaborateurs pour analyser les causes des problèmes rencontrés et pour trouver
les solutions les plus efficaces et les plus rentables ; ce qui les impliquera davantage
encore dans le succès du projet ;
• de déléguer
une partie de ses travaux ; c’est une marque de reconnaissance et de confiance vis-à-vis
d’un collaborateur, ce qui lui permet de se consacrer à la résolution des problèmes
qui surgissent ; le chef de projet n’a pas nécessairement l’expertise pour tout
traiter ;
• de partager
avec d’autres chefs de projet qui rencontrent probablement les mêmes difficultés
; il s’agit de gagner du temps en capitalisant sur les bonnes pratiques ; à cet
effet certaines organisations ont mis en place des structures appelées « Bureau
de projet » ou Project Management Office (PMO) afin d’apporter
assistance et support aux équipes projet avec des pratiques et des outils mis
en commun grâce au partage
d’informations
et à la capitalisation ;
• de dialoguer,
avec objectivité et intégrité, avec des experts techniques ; cela donne un éclairage
plus complet sur l’éventail des solutions disponibles appropriées ;
• de pratiquer
le Management By Wandering Around, le management par écoute et rencontre,
en communiquant de façon informelle avec ses collaborateurs ; le chef de projet
n’est plus dans sa tour d’ivoire à produire des plans, il a son bureau dans la même
salle que l’équipe ; il développe ainsi ses qualités relationnelles pour
améliorer ses relations interpersonnelles et managériales. Grâce à de nouvelles
approches, plus collaboratives, responsabilisant les équipes –le chef de projet
n’est plus seul pour faire face à de nombreuses incertitudes, inévitables sur
tout projet.
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